mercredi 30 mai 2007

La Biodiversité dans les fermes : les enjeux mondiaux

Srinivas VATTURI Deccan Development Society*, Inde La Société de Développement du Deccan, travaille depuis deux décennies avec les communautés locales, en particulier avec des collectifs de femmes (sangsues) dans quelque 75 villages situés à 100 km d'Hyderbad, la capitale de l'Etat de l'Andhra Pradesh au Sud de l'Inde. Les 5000 femmes formant les collectifs appartiennent aux classes les plus pauvres dans leurs villages. La plupart d'entre elles sont des Dalits, le groupe qui se trouve au bas de la hiérarchie sociale indienne. La vision qui anime la DDS est la consolidation de ces sangsues afin qu'ils deviennent des organes dynamiques de décision locale. Les programmes conduits par la DDS, qui visaient au départ à pourvoir aux besoins de subsistance les plus élémentaires des paysannes des sangsues, se sont orientés, au fil des années, vers la prise de participation et de contrôle par les paysannes dans les systèmes locaux de sécurité, de gestion des ressources naturelles, d'éducation et de santé. En accédant à la prise de décision dans ces domaines d'existence variés dans leurs communautés, les femmes les plus pauvres remettent en cause l'ordre qui niait leur participation à la gestion des ressources. Au coeur des initiatives prises par les sangsues résident les questions fondamentales de l'accès et du contrôle, qui conduisent à la problématique de l'autonomie des communautés locales. Dans le contexte actuel de mondialisation, c'est en s'aménageant des sphères d'autonomie que les communautés peuvent parvenir à se protéger des effets de la libéralisation économique. Les sangsues de la DDS ont cherché à développer leur autonomie en termes de gestion des ressources naturelles, d'accès au marché et aux médias, à partir de leur capacité autonome de production alimentaire et semencière, élément clé pour toute société agraire. Autonomie des communautés en grain et en semences L'agriculture sèche traditionnelle du Plateau du Deccan repose sur une diversité importante de cultures : Céréales des régions arides (sorgho et mils), légumineuses et oléagineux. Cette agriculture est adaptée Aux conditions agro climatiques locales et met en oeuvre des savoirs paysans très élaborés sur les sols, le bétail, les cultures et les prédateurs. L'arrivée du Système de Distribution Publique, un programme national procurant riz et blé aux Populations les plus pauvres déstabilisa l'équilibre vivrier du Plateau du Deccan à deux niveaux : la Consommation accrue du riz se substitua à celle du sorgho, plus nutritif, et la culture des terres arides où Ne poussent que les céréales locales diminuent de manière inquiétante. Le système de distribution alternatif de la DDS se développa avec deux objectifs majeurs : remettre en Culture ces terres dégradées grâce à la diffusion de semences de céréales locales, et pourvoir ainsi à la Souveraineté alimentaire des foyers les plus pauvres. Plus de 3000 paysannes participant au programme Ont ainsi contribué à la réhabilitation de 1400 hectares de terre arides ou laissées en friche depuis des Années. La production supplémentaire de sorgho a permis des créer des greniers à grain communautaires Qui répondent, dans 50 villages, aux besoins alimentaires des plus pauvres durant les périodes de pénurie. Parallèlement, des banques de semences communautaires ont été établies pour renforcer les Pratiques traditionnelles d'autoproduction de semences. En effet, la sélection, le tri et la préservation des Semences paysannes sont, traditionnellement, la responsabilité des femmes. Certaines paysannes comme Hanumamma ont coutume de mettre de côté plus de semences qu'il n'en faut pour cultiver leurs propres terres : elles sont ainsi en position de prêter des petites quantités de semences, qui leur sera rendue après les récoltes selon un taux de 2 pour 1. Les banques de semences des sangsues sont, elles aussi, entièrement gérées par les paysannes, qui maintiennent et diffusent quelques 80 variétés locales. Ces banques sont une source d'approvisionnement sûre pour les petits paysans. Le retour de ces variétés dans les champs renforce le contrôle des communautés sur les variétés cultivées locales, qui tombaient en désuétude sous l'influence des pratiques agricoles modernes. Les autres programmes de la Société pour le Développement du Deccan Les paysannes des sangsues se sont investies dans la régénération des ressources naturelles dans trois domaines distincts. La reforestation fut l'une des premières : la plantation d'arbres sur 400 hectares de terres communales dégradées procure aujourd'hui un accès pour les paysans à des petites forêts à proximité de leur village. Dans 30 villages, des jardins des plantes médicinales ont été mis en place par les femmes des sangsues. Il y pousse plus de 60 espèces végétales utilisées dans les systèmes de santé locaux. Enfin, des programmes d'utilisation et de conservation des eaux de pluies ont vu le jour dans 8 villages : des mini structures de terre et de pierre permettent une meilleure conservation de l'eau et du sol sur les terres les plus exposées à l'érosion et au ruissellement des eaux de pluie. Dans le contexte de la mondialisation où le marché et les médias contrôlent les perceptions publiques sur l'agriculture et l'alimentation, le développement de marchés alternatifs apparaît essentiel. C'est dans cette optique que les sangsues de DDS ont commencé à instaurer leurs propres marchés en 1999, regroupant aujourd'hui 2000 membres. Les agricultrices des sangsues y vendent leurs productions agricoles et y achètent la plupart des produits dont elles ont besoin. Parallèlement, la formation à Zaheerabad (la principale agglomération locale) d'un groupe d'action de consommateurs, la production d'un film sur la cuisine du Deccan et un livre de recettes à base des mils locaux ont permis d'élargir le cercle des consommateurs urbains potentiels de mils et d'autres céréales locales. Les paysannes ont aussi trouvé un moyen d'expression au travers de la vidéo. Le fond médiatique communautaire permet à un petit groupe de femmes de produire des films sur les questions qui les préoccupent relatives à l'agriculture, aux politiques publiques, aux dynamiques sociales locales et aux moyens d'existence des habitants la société rurale dont elles font partie. La DDS s'implique par ailleurs dans l'éducation, au travers de trois initiatives majeures : les balwadis, des écoles maternelles villageoises, la Pacha Saale, une école unique intégrant l'éducation scolaire et l'apprentissage de savoir-faire utiles (la charpenterie, la poterie, la couture, l'agriculture biologique...), et des cours du soir pour les enfants et les adolescents qui travaillent. Régulièrement, les villageoises des sangsues se mobilisent autour de questions qui les touchent directement. Des campagnes de sensibilisation, des ateliers et des manifestations ont été organisés sur la question des OGM, des politiques agricoles, des problèmes sociaux. La DDS travaille en réseau avec d'autres associations du pays et du monde. Elle a collaboré à la réalisation de plusieurs études sur la viabilité économique des systèmes fondés sur l'agro-diversité, sur les pratiques locales de maintien de la fertilité des sols et sur les plantes sauvages utiles. Le festival mobile de la biodiversité organisé annuellement illustre la capacité des communautés locales à célébrer, à leur manière, la diversité dont elles sont les dépositaires. * Deccan Development Society, 101, Kishan Residency, Street N°5 Begumpet, Hyderabad 500 016 Andhra Pradesh, Inde Tél.: + 91-40-776-4577 ou + 91-40-776-4744 Fax: +91-40-776-4722 Email : ddsppvr1@hd2.dot.net.in

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