Atelier potagères
Thèmes Présentation des intervenants et de leurs structures
Quel type de semences pour le maraîchage bio ? Compatibilité Hybrides F1 et
Bio ?
La réglementation
Actions concrètes pour la suite Quels choix techniques.
Témoignages
M. François DELMOND
Exemple de Germinance. C’est une entreprise artisanale grainière du même type que Biau’Germ et Essem’bio. Cette initiative a une quinzaine d’années, elle a démarré au début en association avec Laurent Couturier dans le Maine et Loire. Il s’agit d’une structure commerciale car la semence doit être vendue, le cadre choisi est donc l’EURL. Cette entreprise dispose de la carte professionnelles GNIS de distributeur grainier (environ 80 Euros/an), ce qui est différent de producteur de semences (environ 700 Euros/an).
Germinance survit dans le domaine du régime de tolérance, normalement elle ne serait pas habilitée à faire des contrats de semences.
Je refuse les hybrides par idéologie. Techniquement je ne pourrais pas en faire non plus.
Le choix de Germinance s’est tourné vers des plantes autogames (auto fécondes) et des variétés de populations pour des espèces allogames.
Germinance commercialise :
- Des variétés du domaine public, inscrites depuis plus de 20 ans ;
- des variétés standards (différentes des variétés certifiées) ;
- des variétés anciennes à usage amateur ;
- des variétés non inscrites (ce qui est illégal) ;
- des variétés à certification obligatoire (c’est aussi illégal) comme les engrais verts.
Il est important de négocier pour faire évoluer la réglementation.
Nous proposons des contrats à des producteurs en bio et biodynamie surtout. Il s’agit de contrats verbaux (environ 250 par an). Nous avons une démarche de collaboration avec les agriculteurs multiplicateurs avec qui nous travaillons. Nos clients sont les jardiniers (3/4) et les maraîchers (1/4).
Le pourcentage de semences vendues aux maraîchers a plutôt tendance à diminuer. Nous refusons de commercialiser via les jardineries.
M. Jean-Pierre LEBRUN ; Maraîcher en Maine et Loire
Je produis 100 000 à 400 000 plants par an. Je commercialise un peu moins d’un hectare de fraisiers qui sont vendus aux producteurs de fraises et depuis cette année, une partie est en sous contrats pour des établissements tels que la ferme Sainte Marthe et Marionnet.
Cette activité est totalement légale, elle est contrôlée par le GNIS, et soumise au contrôle SOC.
Les pieds mères sont issus de la culture in vitro, excepté pour la partie vendue à Sainte Marthe. Je n’ai d’ailleurs pas remarqué de problème sanitaire particulier pour ces plants là.
En partant de souches saines cultivées sur un sol correct et équilibré (grâce à l’élevage) il y a très peu de maladies. Le mode de production de l’agriculture bio est bien adapté aux fraisiers. Les producteurs obtiennent une très bonne qualité de plants et de fraises.
J’espère pouvoir développer davantage de plants non issus de la culture in vitro. Je produis aussi des plantes fourragères pour mes animaux. Je recherche un équilibre sur mon exploitation et je ne rencontre pas de problèmes sanitaires.
La certification officielle atteste de la crédibilité de la production, c’est une garantie sanitaire pour le consommateur.
Témoignages de la salle
Participant
Je suis producteur ardéchois et je constate que dans le catalogue officiel pour maraîcher, il y a de plus en plus d’hybrides.
Participant
Je ne comprends pas pourquoi les maraîchers professionnels n’auraient pas le droit de faire des variétés anciennes.
Réponse de François Delmond
Le catalogue des variétés anciennes pour amateurs a été une réponse à la demande de
commercialisation des variétés anciennes. Depuis cette année, il y a une clause supplémentaire qui permet de vendre les plants de ces variétés aux jardiniers.
Par ailleurs, il n’y a jamais eu de problème concernant la vente de ces graines aux maraîchers professionnels. Il y a eu des mesures d’intimidation de la part de la répression des fraudes, mais à ma connaissance, il n’y a aucun texte l’interdisant.
Enfin, nous allons vers une application française de la directive Européenne 98/95 CE, pour les variétés de conservation. Les chosent évoluent donc.
Jacques Caplat
Les variétés du catalogue actuel ne répondent pas vraiment au besoins d’un certain type de maraîchers bio.
Christian Crouzet (Biau’Germ)
Les consommateurs sont très demandeurs de variétés anciennes qui sont totalement adaptées au marché de proximité. Il y a un retard réglementaire par rapport aux variétés de conservation, ce qui risque de nuire au développement de l’agriculture bio. C’est pourquoi aujourd’hui, il faut prendre le droit de commercialiser ces variétés.
Participants
Plus une variété est « rustique » et relativement peu travaillée par la sélection, plus elle vigoureuse. Autre remarque : il existe en Ariège, un réseau d’échange (association) de variétés anciennes. Pour que ces variétés soient connues, elles doivent être vendues par les maraîchers professionnels. Par ailleurs, la diversité ne peut exister que si le consommateur connaît les variétés anciennes.
Participant : Mamadou Camara, agriculteur du Mali
Dans mon pays il n’y a pas aujourd’hui de réglementation particulière pour les semences. Je pense qu’il faut que les paysans restent maîtres de leurs semences à l’avenir. Je suis intéressé par des échanges et je souhaiterais savoir comment cela pourrait être organisé. Aujourd’hui, les tomates poussent mal dans mon pays, à plus de 43 degrés elles ont des difficultés pour croître. Il faudrait échanger avec d’autres producteurs et essayer de trouver des semences de bases intéressantes adaptées au climat du Mali.
Participant
Kokopelli a déjà engagé ce type d’expérience en Inde, sur la résistance des tomates à la sécheresse (forte chaleur) et en milieux salés. Il semblerait que des potentiels de résistance existent chez la tomate.
François Delmond
Toute l’énergie a été mise sur les hybrides, car cela permettait de se mettre à l’abris plus facilement de la concurrence. Il semble évident que tout le travail des variétés fixées reste à faire. Les producteurs se plaignent de manquer de variétés qui seraient sélectionnées en fonction de leurs besoins.
Tomate et allogamie
Participant
Deux variétés de tomates peuvent-elles s’hybrider ?
Réponse de Pascal Poot, agriculteur, conservatoire de la tomate à Lodève (34)
La tomate est « officiellement » autogame, mais comme toutes les plantes, elle présente un certain taux d’allogamie, cela dépend également des variétés. Lorsqu’on multiplie beaucoup de variétés elles se croisent et dégénèrent (c’est le cas pour la tomate cerise). Il me semble qu’il y aurait des affinités entre certaines variétés. Dans les pays tropicaux, le taux d’allogamie est encore plus élevé, notamment grâce à la présence d’insectes pollinisateurs et au taux d’hygrométrie. Je distingue les fruits auto-fécondés de ceux qui ne le sont pas grâce à la forme des fruits.
Jacques Caplat
Les croisements entre variétés de tomates sont-ils un problème ?
Réponse de Pascal Poot
Oui, car au bout d’un moment, on n’obtient plus que des tomates cerises.
Compatibilité des hybrides avec l’agriculture bio. Les hybrides conviennent-ils aux maraîchers bio?
Jean Pierre Lebrun
Très peu de semenciers ont investi dans la sélection de variétés fixées, ils ont favorisé les hybrides qui assurent par leur essence même une certaine protection. Tout le travail de sélection pour la bio est à faire. De plus, aujourd’hui, les maraîchers se plaignent de la faible disponibilité de semences bio, mais ce sont eux qui se sont mis sous la dépendance des hybrides.
François Delmond
En Bourgogne, une enquête a été réalisée sur les pratiques. Elle montre que la proportion d’hybrides est loin d’être négligeable. Je pense cependant que la qualité nutritionnelle et gustative des hybrides est inférieure à celle des populations. Il y a eu un essai de sélection biodynamique en Allemagne sur la carotte Rodélica et les analyses ont mis en évidence que le taux de nitrates dans une carotte hybride est supérieur
à celui de la Rodélica (population). Celle-ci est par-contre, plus riche en protéines, sucre, et en taux de matières sèches.
Remarque de la salle
Le problème n’est pas de s’il faut ou non des hybrides, mais il se situe plutôt au niveau de l’accès et de la disponibilité des variétés de conservation. Il faut revendiquer le droit de commercialiser ces variétés afin de préserver le patrimoine.
Véronique Chable, INRA
L’INRA a besoin de travailler avec les producteurs et de connaître leurs demandes.
Participant
Le problème de l’hybride c’est qu’on ne connaît pas les souches.
Autre remarque : les hybrides étaient fixés avant, mais maintenant il y a le F1 qui ne permet pas de les
reproduire.
Question participant
Qu’est-ce qu’un Hybride F1 ?
François Delmond
Il s’agit d’un croisement au moment de la multiplication. Par essence même, il ne s’agit pas d’une variété fixée. La méthode est le croisement de 2 lignées homogènes obtenues chacune par consanguinité. Celle-ci induit une « dégénération des lignées ». Les deux lignées croisées sont toujours très éloignées d’où « l’effet d’hétérosis » (vigueur exceptionnelle du produit du croisement), d’autant plus important que les lignées sont éloignées. Il s’agit d’une démarche très éloignée de la sélection naturelle.
Il ne faut pas confondre l’hybride F1 (stratégie de dégénérescence puis hétérosis, non-pérenne) avec le croisement naturel (qui se produit dans les « populations »).
Aujourd’hui, aucun semencier artisanal bio ne veut faire d’hybrides, pas seulement à cause des difficultés que cela engendre mais aussi par éthique.
Point réglementaire
Pascal Naudin, Essem’Bio
Je suis moi-même multiplicateur depuis 13 ans. Mon moteur initial est la sauvegarde de la biodiversité. Je travaille en lien avec deux entreprises allemandes. Dans mon système, la partie commerciale est différentiée de la partie sélection. Cette dernière est assurée par un réseau associatif (Kultur-saat) pour éviter toute appropriation.
J’ai développé un partenariat avec Gautier, ce qui me permet d’augmenter les productions et de fournir les maraîchers français.
Jacques Caplat
En ce qui concerne la réglementation Bio, la dérogation permettant d’utiliser des semences non traitées en cas de non-disponibilité en semences bio prend fin le premier janvier 2004. La profession bio est d’accord avec la nécessité d’imposer les semences produites en bio, mais elle demande que des dispositifs dérogatoires soient maintenus. En effet, les disponibilités de semences bio sont insuffisantes,
particulièrement en semences potagères bio.
Depuis un an, il existe un collectif national regroupant la FNAB, la Confédération paysanne, Nature et Progrès, le CNDSF et SABD. Celui-ci a demandé une gestion de la liste des disponibilités par variétés.
C’est globalement acquis, mais rien n’est encore décidé. Les dérogations devraient normalement être beaucoup plus cadrées, mais il faut encore rester vigilant et les bio doivent rester impliqués. En ce qui concerne la réglementation des semences, tout échange ou commercialisation de semences
s’inscrit dans deux cadres possibles :
- Ou bien le producteur veut vendre le produit de sa culture et dans ce cas les semences doivent impérativement être inscrites au catalogue officiel et achetées à un obtenteur agréé (ou multipliées sur la ferme elle-même) ;
- ou bien le producteur cultive pour sa propre consommation (jardinier) et dans ce cas, il peut utiliser des semences du catalogue « jardiniers amateurs », mais il n’est pas censé pouvoir vendre le produit de sa culture.
La solution proposée est de créer un catalogue selon la directive 98/95/CE avec des critères d’inscription spécifiques pour les variétés de conservation « in situ » (dans les fermes), les mélanges et les variétés bio. Cette directive européenne n’est pas encore applicable en France, faute de critères. Ceux-ci sont actuellement en définition (sécurisation sanitaire), le collectif national précité y participe activement.
Participant
Pourquoi ne pas organiser tout simplement deux filières : une certifiée et une qui ne le serait pas ? Il serait illusoire de vouloir inscrire toute la biodiversité dans un catalogue !
François Delmond
L’inscription dans un catalogue permet de garantir au consommateur une pureté spécifique, un taux de germination et une pureté variétale (quoi que discutable, car en dessous d’une certaine homogénéisation on ne peut plus identifier la variété). Par ailleurs, la législation sur le catalogue des variétés anciennes pour usage amateur a déjà permis d’assouplir les règles. Il faudrait arriver à trouver une méthode d’identification variétale simplifiée valable.
Participants
Une marque commerciale peut-être une garantie. Si on veut garder la biodiversité, il n’est pas possible de tout inscrire. Autre proposition : Il faut peut-être adopter une pratique de traçabilité totale ?
Jacques Caplat
Il faut peut-être redéfinir les critères d’inscription et demander la gratuité d’inscription. Reste la question centrale : comment décrit-on une variété ? La diversité en potagères est telle, qu’effectivement il sera difficile de tout inscrire. Le but de la directive européenne c’est de protéger la biodiversité en la rendant
commercialisable. Il faut échanger les critères variétaux contre les critères commerciaux.
Jean Pierre Lebrun
La directe 98/95 ouvre une porte, c’est un élément important pour les potagères.
Participant
Pourquoi les services publics ne prennent-ils pas ça en charge ?
Que fait-on pour s’organiser, comment envisager la suite ?
Pascal Naudin
Il y a eu une rupture dans la sélection des variétés fixées, au profit des hybrides. Cette sélection redémarre dans les entreprises artisanales (Essem’bio, Germinance…). Il faut continuer à sélectionner et à faire connaître les variétés.
Participant
Tous les maraîchers ne veulent pas des variétés anciennes !
Autre remarque : il faut que la dérogation pour les amateurs soit aussi applicable pour les bio.
François Delmond
Le but de la directive 98/95 c’est de protéger la biodiversité en la rendant commercialisable.
Jacques Caplat
La solution globale pour faire vivre la biodiversité, passe par la mise en place d’un réseau, afin notamment d’éviter la surproduction.
Jean Pierre Lebrun
La planification des productions « artisanales » est importante, il ne faut pas surproduire. En 2001, il y a eu un surplus de plants de fraisiers. Le développement de l’autoproduction doit être organisé.
Participant
La directive 98/95 ouvre des portes à la production mais elle n’est pas traduite en droit français. Autre remarque : on peut privilégier la biodiversité au niveau de la production, mais c’est surtout le consommateur qui a un rôle important à jouer, il est donc nécessaire de mener des actions d’éducation et de sensibilisation!
Source : semencespaysannes.org
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